La genèse

Vous entrez ici dans l’histoire de la construction du projet.
La Cité de l’Agriculture est le résultat d’une rencontre, de plusieurs rencontres.
Récit, à vivre comme une immersion.

La permaculture veut qu’avant de s’installer sur un terrain pour y développer son activité, le porteur de projet observe son nouvel écosystème pendant un an. Un an : été automne printemps hiver. Sens du vent, luminosité, rythme de la nature, comportements de la faune et de la flore, microclimats, bruits et silences; quatre saisons permettent d’identifier les problématiques et les enjeux d’un  terrain, d’un territoire. C’est ainsi que la Cité de l’Agriculture a vu le jour : le projet a pris sens petit à petit, évoluant à force d’observations, de rencontres, d’échanges et de recherches pour répondre aux besoins de l’existant.

En septembre 2014, Marion Schnorf rentre en France après plusieurs années à l’étranger. L’action des militants n’a pas été vaine : l’alimentation commence à avoir le vent en poupe, on parle de circuits courts, d’agriculture bio et de jardiner en ville, Marseille fourmille d’initiatives.

Mais les actions ont lieu sur des zones limitées et les structures se multiplient sans forcément se fédérer ni travailler leur complémentarité. L’impact n’est pas à la hauteur des efforts investis.

En parallèle, les questions que soulèvent les habitudes alimentaires dictées par la facilité (supermarchés) ou le manque de connaissance (origine, production, diversité et saisonnalité des produits), la  fracture ville/campagne et l’impasse de l’agriculture industrielle font ressentir un besoin : il faut créer un lieu autour de l’agriculture et de l’alimentation. En ville.

Production, expérimentation, transformation, consommation et achat des produits, sensibilisation et formation, l’idée d’un écosystème dédié à l’alimentation naît. On l’appelle la Cité de l’Agriculture.

La Cité de l’Agriculture a donc pour finalité de participer à la transition agricole (du modèle conventionnel productiviste à la production locale et agroécologique). Elle veut questionner les schémas agricoles, les comparer et renouveler l’image collective de l’agriculture en la montrant sous un jour nouveau: dynamique, attractive, en mutation. Dans un contexte de perte du lien social, elle veut également créer un lieu de sociabilité et de joie : l’optimisme comme moteur du changement.

Comme la ville, la Cité de l’agriculture se composerait de plusieurs corps. Ce serait un lieu de vie expérimental, un lieu où on travaille, on mange, on dort, on apprend et on rit. On y rêverait et on y produirait. L’en-semble de ces éléments fonctionnerait en interdépendance.

  • Un pôle culturel, numérique et interactif
  • Conférences, réalité virtuelle, expositions temporaires et permanentes au rythme des saisons, projections, festivals, ciné-jardin et un axe art-griculture pour créer un lien entre l’art et l’agriculture.
  • Un pôle d’accompagnement et de formations
  • Accompagnement des porteurs de projets, formations en permaculture, agroforesterie, agroécologie, apiculture bio, hydroponie écologique, biodynamie, valorisation des déchets (compost, lombricompost, gestion de l’eau etc.)
  • Un lieu de vie pour s’imprégner du changement
  • Café-restaurant, épicerie, marché hebdomadaire, poulailler collectif, jardin partagé et hébergement feraient vivre l’expérience d’une ville totalement nourricière

La Cité de l’agriculture est un projet de territoire. Des actions de quartier (micro-transhumances, ramassage des déchets ménagers organiques, cueillettes des fruits de saison), des événements fédérateurs (fête des légumineuses, vendanges, colloques) et des road trips organisés en régions stimuleraient son territoire d’implantation.

La Cité de l’agriculture pourrait se décliner à plusieurs échelles. Le projet initial est conçu pour une surface comprise entre 4 et 12 hectares. Les propositions iconographiques qui sont faites ci-dessous sont pensées pour dix hectares. Elles correspondent à l’ambiance, au programme, au fonctionnement, à l’écologie et à l’économie projetés. Elles sont le résultat de nombreuses recherches multisectorielles (agriculture urbaine, agroécologie, gestion de l’eau et des déchets, habitat).

L’entrée de base est le principe de zonage permacole (ou planification permaculturelle du paysage). En pensant la Cité de l’agriculture en secteurs (ou zones), les déplacements et les dépenses énergétiques sont minimisés, l’organisation optimisée.

Bill Mollison et David Holmgren sont considérés comme les fondateurs du concept de permaculture. Ils ont établi six zones, la zone zéro étant la maison, le centre.

Les autres zones sont réparties de façon concentrique autour de la maison de façon à ce que les espaces qui ont le plus besoin d’entretien soient placés les plus proches possible de la centralité.

Zone 0 : Maison, place ou village (centralité humaine)

Zone 1 : Les jardins potager et aromatique

Zone 2 : Le verger et la basse-cour

Zone 3 : Les pâturages et champs de céréales

Zone 4 : Les pâtis (terres incultes) et les bois

Zone 5 : L’espace sauvage

A savoir : il n’existe pas de schéma type de conception. Pour chaque projet en permaculture, le design est adapté au terrain et à la géographie du lieu.

Autour du village (espace zéro), les autres zones se développent. On maximise les interactions entre chaque zone pour favoriser la richesse et les interactions bénéfiques présentes dans la nature : la permaculture n’est pas qu’une technique agricole, c’est une méthode de conception pour créer des écosystèmes équilibrés.

Quand les pucerons attaquent les épinards, on ne traite pas; les coccinelles s’en chargent. Le tas de bois est un refuge à hérissons. Ils mangent les limaces dévoreuses des petites courgettes et des salades. Les grenouilles de la mare artificielle font le même travail. Et la mare attire les insectes pollinisateurs, ils régulent le système. Les canards mangent les germes présents dans le futur paillage du sol et limitent la prolifération d’herbes. On paille la terre pour ne jamais la laisser à nu. Quand la terre est à découvert, elle ne propose plus rien à manger, la microfaune disparaît. Sans microfaune, le travail de minéralisation du carbone est ralenti. Avec paillage, la microfaune se régale puis la terre reste fraîche, les besoins d’eau sont minorés, sans compter que cela augmente la teneur en matière organique, donc la fertilité du sol. Quant au Mistral, il est contré par une forêt, dense et nourricière, au nord du terrain. Le mot d’ordre ? Résilience.

Ce design permacole est couplé à un principe urbain et architectural pour établir le futur plan de la Cité de l’agriculture.

La ville naît d’une place.
La ville naît d’une rue.
La ville naît d’une institution.
La ville grandit.

La Cité de l’agriculture naît d’un plan inspiré de l’antiquité romaine, où la rencontre des citoyens est favorisée.

Deux rues et un forum pour la Cité, et puis la trame se développe. Fictive, elle sert à se projeter, c’est le tuteur de croissance.

Ce schéma directeur permettra de mettre en place les éléments du programme.

Les premiers bâtiments seront disposés le long des rues principales et autour du forum afin d’impulser l’intensité des interactions souhaitées dans la cité.

L’idée de base de conception du plan, c’est que le forvm extérieur joue le rôle habituel du hall d’entrée. C’est la place qui relie les programmes, celle sur laquelle on se donne rendez-vous, celle ou l’on prend un café… Il s’agît d’inviter les gens à être dehors, en plein air, à marcher sur la terre.

Une double orientation sera recherchée pour chaque bâtiment : une intériorité vers la place, une large ouverture vers les jardins et les champs.

La Cité, par nature, souhaitera s’étendre, agrandir ses institutions existantes mais également ouvrir de nouveaux lieux, de nouvelles fonctions. Les rues et la place seront pavées pour signifier l’urbanité souhaitée. Mais entre les pavés, l’herbe poussera, le sol sera toujours laissé perméable. Autour, pas question de pavés. Jardin comestible aux variétés rustiques, méditerranéennes, potager en agroforesterie, poulailler collectif, ruches, pâturage des cochons, chèvres & moutons et au fond, la forêt, lieu parfait pour débattre du risque de disparition des terres agricoles.

Le schéma directeur et le parti pris constructif seront les garants de l’essence, de la durabilité et de la cohérence de la Cité.

L’architecture naît avec un toit.
Une enveloppe type est proposée, elle fabrique l’image du projet et établit une cohérence des bâtiments dans le paysage, même s’ils sont éloignés ou s’ils abritent des programmes différents.

Cette enveloppe s’inspire du vocabulaire agricole, il prend la forme d’une serre.

Les avantages de la serre pour la Cité sont précieux. Nous avons dans la région des entreprises reconnues, spécialisées dans la construction de serres industrielles, ou bioclimatiques.
Les serres sont des constructions légères, rapides à mettre en œuvre et à monter sans grue. Les fondations peuvent être réalisées en surface, voire hors sol avec des longrines sur lesquelles repose ensuite la structure acier. A vocation agricole à la base elle peut aussi répondre aux exigences des ERP en intégrant notamment les normes de désenfumage. On peut donc y intégrer tous les éléments du programme de la cité. Une serre industrielle de base (pour utilisation agricole) coûte environ 250€/m2 (assemblée, dressée). Adaptée en ERP elle approchera au maximum les 500€/m2. Il existe des dimensions de serre agricole de base avec des trames entre poteaux plus ou moins grandes, on pourra additionner des trames, en ajouter dans le temps.
Comme ce sont des serres à vocation agricole, elles offrent un confort thermique plus performant que dans le logement, car certaines plantes sont fragiles, comme les humains.

Habitat vernaculaire et maisons en terre sont intégrées dans la conception.

Resterait par la suite à aménager les intérieurs. Pour les éléments de programme qui doivent être fermés, un système de boîtes légères et autonomes sont insérées dans chaque enveloppe. Elles sont en bois.
Afin d’amplifier l’interaction entre l’humain et la nature, de créer des connexions visuelles mais aussi physiques, on recherche la mixité programmatique. Elle permet de grandes possibilités d’usage, de rencontres, de ferveur.

 

Comment positionner les différents programmes les uns par rapport aux autres ?

Partons du schéma de base, à savoir que le forvm est le hall d’entrée. Depuis ce hall nous avons accès à tous les programmes publics importants de la cité : le restaurant, l’épicerie, le musée et l’espace de formation.

Tous ces programmes sont reliés par ce hall mais sont physiquement entiers et identifiables, ils occupent chacun une serre propre. Les programmes plus privés, sont orientés vers l’extérieur de la place : logements, stock-age etc. Les serres agricoles sont jumelées avec les serres qui abritent les « humains » pour plusieurs raisons :

– dans un souci de développement durable, elles sont placées au sud, pour faire le plein de chaleur durant la journée et ainsi éviter au maximum de chauffer les espaces de vie. Inversement, l’espace de vie lui-même peut réchauffer la serre et les plantes.

– afin d’amplifier l’interaction entre l’humain et la nature, de créer des connections visuelles mais aussi physiques. On cherche au maximum la mixité programmatique qui permet plus de possibilités d’usage, de rencontres, d’échanges.

En portant le projet, Marion est amenée à le présenter en conférences, colloques, réunions, formations dispensées autour d’une nouvelle vision de la ville, de l’agroécologie et de l’économie. Principalement à Marseille mais aussi à Paris, au Havre, à Bordeaux ou à Toulouse. Les partenaires répondent toujours présents, l’équipe se met en place, les recherches de terrain s’activent, plusieurs événements sont organisés. En parallèle, le cadre juridique et réglementaire se construit, le modèle économique se veut autosuffisant : il y a tout à inventer. L’aventure commence, et avec elle la fin de l’étude de faisabilité. On entre dans la phase opérationnelle.

Vrais enjeux de société, l’agriculture et l’alimentation parlent de santé publique, de protection de l’environne-ment, d’écologie. Elles abordent les questions d’éducation au goût et à la citoyenneté, de normalisation des comportements, d’industrialisation des aliments, de précarité alimentaire et d’obésité. Elles touchent au bien-être humain et animal, à la stigmatisation et au lien social. On y croise des agronomes, des paysans, des philosophes, des diététiciens, des économistes, des entrepreneurs, des électeurs, des étudiants, des citoyens et des décideurs politiques.

Au-delà de l’agricole et de l’alimentaire, c’est une transition de société qui est pensée ici.

Nous remercions très, très chaleureusement MOA pour la co-conception de l’utopie et pour toutes ces heures gracieusement investies.

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