Chapitre 2

Accéder à du foncier pour cultiver en ville

Tandis que le nombre d’agriculteur·rice·s chute drastiquement en France, la relève se fait de plus en plus rare et peine à accéder au foncier, et cela particulièrement hors cadre familial. Après avoir engagé de nombreux changements de vie – décidé de se reconvertir, de se former, de rencontrer un univers parfois très différent du milieu d’origine, les porteurs·se·s de projet lançant leurs activités agricoles se voient souvent freiné·e·s dans leur trajectoire au moment d’accéder au foncier.

Les difficultés générales d’installation s’intensifient à mesure qu’on souhaite s’implanter proche de la ville, là où la surface constructible devient plus profitable, et les alternatives aux activités agricoles plus nombreuses et plus lucratives. 

De surcroît, le rythme d’artificialisation des terres est effréné et déconnecté des besoins démographiques. Pavillons résidentiels et zones d’activités commerciales viennent pousser sur des sols perméables, vivants et riches en fonctions écologiques.

L’étalement urbain se fait au détriment de terres fertiles précieuses et non renouvelables, tout en créant des interfaces entre ville et campagne, entre ville et nature : franges périphériques, enclaves cultivées, ou encore friches abandonnées.

Malgré ces opportunités, nombreuses à Marseille, les porteur·euse·s de projet peinent à identifier un terrain pertinent et à établir des contrats de mise à disposition pérennes :

en 2021, 54 porteur·se·s de projet en agriculture urbaine cherchant à démarrer leurs activités ont été accueilli·e·s par la Chambre d’agriculture et la Cité de l’agriculture. 

La Cité de l’agriculture a réfléchi à ces questions lors de sa recherche de foncier pour la ferme Capri. Ce dossier présente la démarche effectuée qui consiste à repérer un terrain disponible, en évaluer l’adéquation du site avec son projet et à négocier avec le·la propriétaire pour une mise à disposition appropriée.


  1. CA13, Diagnostic Agricole
  2. Petit atlas d’une ville-nature blablabla CONSULTABLE DANS NOTRE FONDS DOC

La Cité de l’agriculture a réfléchi à ces questions lors de sa recherche de foncier pour la ferme Capri. Ce dossier présente la démarche effectuée qui consiste à repérer un terrain disponible, en évaluer l’adéquation du site avec son projet et à négocier avec le·la propriétaire pour une mise à disposition appropriée.


  1. CA13, Diagnostic Agricole
  2. Petit atlas d’une ville-nature blablabla CONSULTABLE DANS NOTRE FONDS DOC

Comment repérer un terrain à cultiver ? 

Trouver un terrain à cultiver, en adéquation avec ses idées et son budget, peut sembler mission impossible pour de nombreux·euses porteur·euse·s de projet en ville comme ailleurs. En milieu rural, des outils et des structures sont mobilisés sur la veille et la régulation des transactions et le portage foncier des terres agricoles. Malgré cela, l’accès au foncier reste difficile, en particulier pour les personnes s’installant hors cadre familial ou avec des modèles alternatifs de production. 

En ville, les opportunités sont d’autant plus rares que les démarches doivent respecter un grand nombre de cadres réglementaires, auprès d’une pluralité d’interlocuteur·ice·s. Un terrain urbain vacant, disponible et constructible, représente des perspectives en or pour les acteurs·ice·s de la fabrique de la ville. Réserve pour des projets urbains ou terre à bâtir pour la promotion immobilière, le foncier agriurbain cristallise des enjeux économiques, politiques et urbanistiques. Ainsi, aucune structure n’a de vision globale et exhaustive de l’information relative aux propriétés et disponibilités foncières. Cette information est soit inexistante car trop fastidieuse à acquérir et à actualiser, soit existante mais fragmentée.

Pourtant, de nombreux terrains sont vacants, inoccupés ou délaissés. Alors que l’information est rare et que les terrains sont discrets, il est important de se demander quels sont les leviers d’action et les personnes à contacter pour identifier un terrain disponible ?

De l’émergence de l’utopie en 2015 à la signature d’un bail, il aura fallu 4 ans pour tout d’abord “consolider son projet”, puis trouver du foncier agriurbain à Marseille en adéquation avec le projet et enfin contractualiser un bail avec le propriétaire, la Ville de Marseille.

En attendant de trouver la perle rare, la Cité de l’agriculture lance une première ferme à Tarascon, pour se faire la main sur les sujets agricoles. Le projet était très différent de celui de la ferme Capri : serre hydroponique orientée exclusivement sur la production maraîchère en petite surface pour approvisionner un restaurant affilié à l’association.

Ce temps de recherche de foncier n’est pas du temps perdu ! Il peut être mis à profit pour identifier un périmètre de recherche, rencontrer et apprendre à connaître un territoire, ses réalités et ses acteur·ice·s, afin d’affiner son projet et ses critères de recherche, ou tester des petites surfaces !

A.REPÉRER DU FONCIER EN SE DOCUMENTANT

 

  • Utiliser les Système d’Information Géographique  : Google Maps, Géoportail, Géofoncier, Open Friche Map ;
  • Flâner dans le(s) secteur(s) de prédilection ;
  • Consulter les inventaires des espaces naturels et agricoles consignés dans les rapports de présentation et le plan de zonage des PLU et PLUi : des zones naturelles, agricoles, agricoles protégées sont parfois déjà identifiées, même en ville !
B.SOLLICITER LE RÉSEAU D’ACTEUR.ICE.S LOCAL.E.S

 

La puissance du bouche à oreille

Qui de mieux placé pour identifier un terrain cultivable que le voisinage vivant à proximité de ces espaces délaissés ? Les friches ne laissent pas indifférent. Certaines personnes sont exaspérées par des usages désagréables du lieu (accumulation de déchets, activités illicites, etc.), d’autres restent songeuses quant aux potentiels d’une telle surface mais sans temps, énergie ou compétence pour lancer un projet.

L’effervescence citadine crée des instances propices pour rencontrer et mobiliser d’autres passionné·e·s d’agriculture urbaine ayant un œil averti sur les opportunités foncières. La liste est longue : collectifs d’habitant·e·s déjà structurés, centres sociaux, conseils syndicaux, Comité d’Intérêt de Quartiers, associations, clubs sportifs, jardins partagés et familiaux, associations environnementales (CPIE, FNE, etc.). 

Solliciter les interlocuteurs de la recherche de foncier

Les interlocuteur·ice·s classiques de la recherche de foncier sont des ressources intéressantes pour accéder aux terres agricoles, rurales ou périurbaines. Ceux·celles-ci ont parfois un regard sur les espaces cultivables en milieu urbain. Iels sont un point de départ indispensable, même si leur champ d’action ne s’étend pas toujours à la ville. 

  • Les ADEAR, un réseau d’associations présents dans tous les départements qui regroupe des paysan-nes et d’autres acteurs du monde rural mobilisés pour faire vivre l’agriculture paysanne et pour installer des paysan-nes.
  • Les chambres d’agriculture, présentes dans les régions et proposant divers parcours et outils :
  • Terres de Liens, acteur à la triple casquette de réseau associatif, de foncière et de fondation, vise à 1) mobiliser les citoyen·ne·s et les décideurs·se·s autour des enjeux fonciers et agricoles et 2) à sécuriser la vocation agricole des terres en facilitant l’accès à la terre de paysans engagés dans une agriculture de proximité, biologique et à taille humaine, notamment via des locations de fermes.
  • La Cité de l’agriculture facilite l’accès au foncier aux porteurs de projet en interrogeant une base de données de foncier constituée à l’occasion de la recherche de foncier pour la ferme Capri. La Cité de l’agriculture peut également publier une annonce auprès du réseau d’agriculteurs urbains qu’elle anime. 

Si mobiliser des structures relai n’est pas toujours concluant, le.la porteur.se de projet peut démarcher les principaux propriétaires de foncier en ville.

C.DÉMARCHER LES PRINCIPAUX PROPRIÉTAIRES DE FONCIER EN VILLE

En 2018, la Cité de l’agriculture s’est lancée dans un enquête par acteur aboutissant à une base de données de sites disponibles, en pleine terre ou non. Nous poursuivons le laborieux travail de mise à jour des données, de veille et de mise en relation entre propriétaires et porteurs de projet. N’hésitez pas à nous écrire, nous avons peut-être quelque chose pour vous !
Pour plus d’information :   Foncier urbain – La Cité de l’agriculture | Marseille 

Cette phase de recherche de foncier fut l’occasion d’identifier les principaux propriétaires de foncier marseillais :

  • Contacter le service “patrimoine” de la commune ou de l’intercommunalité

Le service patrimoine connaît et supervise l’ensemble du foncier détenu par les collectivités. Si les organisations varient selon les collectivités, de manière générale, le service patrimoine gère les terrains non utilisés (friches, réserves foncières, résidus de projets urbains, etc.) et délègue la gestion des terrains utilisés aux services qui en ont l’usage (par exemple les terrains attribués aux organismes de transport, à la collecte et traitement des déchets, aux services techniques, aux écoles, aux établissements publics, etc.). 

Si ces terrains non attribués sont prometteurs pour développer un projet pérenne, ce sont aussi des lieux où la biodiversité sauvage prospère loin des ingérences humaines.  Cette biodiversité ordinaire, sauvage et spontanée doit être préservée par des pratiques agricoles conscientes de la valeur écologique des friches naturelles en ville.

Article – Les friches urbaines sont d’étonnants réservoirs de biodiversité – Emilie Massemin – Reporterre – 2017

Association GERM’ –  gestion écologique et renaturation des milieux : https://www.facebook.com/ASSO.GERM/ 

Manuel d’écologie urbaine – Muratet A, Chiron F, Muratet M (nouvelle édition 2021), Editions les presses du réel, 120 pages [accessible ici]

Les terrains attribués à des services sont complexes à mobiliser en raison des nombreux interlocuteurs.trices à rencontrer, des méandres administratifs et des potentiels conflits d’usage. Néanmoins, ces terrains peuvent être très intéressants pour débloquer du foncier sur des horizons de temps variables. Parfois, un site présente un horizon d’utilisation lointain (travaux publics, opération d’aménagement) et sera adéquat pour une occupation transitoire. Il faudra alors rassurer le gestionnaire sur les dimensionnements et la réversibilité du projet. D’autres fois, l’utilisation du site n’est que partielle, présentant ainsi une opportunité de synergie avec le projet d’agriculture urbaine (écoles, hôpitaux, autres établissements publics, etc.). Les services disposant de tels espaces relèvent souvent des écoles, de la jeunesse, du sport, des parcs et jardins.

Ainsi, il est possible de négocier le soutien des services techniques en lien avec la thématique du projet. Par exemple, le service chargé de l’agriculture (quand il existe) pour un projet nourricier, le service chargé des espaces verts pour un projet ouvert au public, le service chargé des affaires scolaires pour un projet pédagogique.

La porte d’entrée est donc souvent le service patrimoine qui vous redirigera vers le service approprié ou gèrera les échanges en interne. Les processus sont longs et ne dépendent pas toujours de l’énergie du porteur.se de projet : il est souhaitable de compléter la sollicitation des services techniques avec un appui politique, en sollicitant l’opinion publique, en mobilisant un.e élu.e local.e ou d’éventuels partenaires.  

La Cité de l’agriculture travaille souvent avec les collectivités pour les accompagner vers une mise à disposition de site : diagnostic de site, modalités de mise à disposition, identification de porteurs de projet, accompagnement et suivi des projets lauréats. 

Pour plus d’information :Etudes & conseil – La Cité de l’agriculture | Marseille 

  • Démarcher les grandes entreprises ou gestionnaires de parcs d’activité

Un des leviers d’identification de foncier disponible consiste à rencontrer les personnes au sein de certaines entreprises chargées de développer les objectifs de développement durable ou la responsabilité sociétale des entreprises qui souhaiteraient visibiliser leur image de marque, leurs retombées positives ou, plus simplement, valoriser leurs espaces. Les gestionnaires de parcs d’activité ou les structures responsables du réseau de transport (SNCF, métros, parkings) peuvent disposer de nombreux sites peu valorisés, voire même coûteux à entretenir. Ces acteurs peuvent être intéressés pour déléguer leurs obligations d’entretien de leurs sites par un défrichage annuel dans le cadre de la lutte contre les incendies ou par du gardiennage de site. Dans ces cas, ces acteurs priorisent l’efficacité de leurs activités ou le confort de leurs usagers. Ainsi, on y rencontre souvent des projets de pâturage urbain, de jardins partagés ou encore d’agriculture en intérieur. 

  • Saisir une opportunité rare chez un particulier

Les particuliers possédant du foncier et prêts à le mettre à disposition pour une activité peu rémunératrice ne sont pas toujours identifiés ou visibles. Dans la plupart des cas, ces personnes mettent à disposition des terres proches de leur résidence principale et privilégient un projet plutôt calme, avec un noyau de personnes régulières et identifiées.

D’autres interlocuteurs majeurs sont des leviers de déblocage de foncier : les bailleurs sociaux, le diocèse, les copropriétés.

Pour compléter son approche cartographique, la Cité de l’agriculture souhaite approfondir sa connaissance du foncier potentiellement mobilisable en mobilisant des balades citoyennes impliquant les propriétaires, gestionnaires et personnes locales intéressées pour développer un projet d’agriculture urbaine dans le Nord de Marseille. Affaire à suivre !

Si le terrain identifié révèle un vrai potentiel pour son projet d’agriculture urbaine (cf. II), il s’agira ensuite de retrouver le propriétaire et d’engager la rédaction de contrats de mise à disposition (cf. III).

Ce terrain est-il pertinent pour mon projet agriurbain ? Diagnostiquer le foncier

En 2018, après avoir sollicité les principales organisations (publiques et privées)  détentrices de foncier en ville, la Cité de l’agriculture a identifié une centaine de sites disponibles (représentant 40 ha de potentiel agricole environ). En confrontant cette liste à des critères de faisabilité agronomiques, une dizaine de sites potentiels sont retenus pour l’implantation de sa propre ferme. Après avoir visité chaque site, la Cité de l’agriculture tombe sous le charme d’une friche qui deviendra la future ferme Capri. Pour cause ? Un alignement parfait avec les enjeux que la Cité de l’agriculture souhaite porter. En effet, la ferme se déploie sur un ancien terrain agricole, en pleine terre, constructible, en pleine ville : c’est une terre fertile à préserver et à faire fructifier par des pratiques agricoles douces et vectrices de lien social. De plus, la localisation du terrain au cœur de quartiers marqués par de forts enjeux de justice alimentaire renforce la pertinence d’un projet visant à réconcilier la production agricole et son bassin de consommation.

En s’appuyant sur son expérience de recherche de terrain et sur son travail d’accompagnement d’autres porteur·se·s de projet, la Cité de l’agriculture a identifié les critères importants pour chercher efficacement du foncier : 

  • la localisation : les porteur·se·s de projet cherchent à s’installer dans un périmètre de prédilection, favorable au projet (intra-urbain, périurbain, rural, morphologie du quartier, etc.) mais aussi en lien avec leurs conditions personnelles (temps de trajet domicile-travail, accessibilité du site à des transports en communs, fréquence d’embouteillage, etc.)

La ferme est située dans le 15e arrondissement de Marseille, dans le quartier de La Delorme, au sein de la copropriété des Castors de Servières et des Aygalades. Elle jouxte des infrastructures routières et logistiques majeures : l’autoroute A7 en contrebas, des échangeurs imposants, le Marché d’Intérêt National des Arnavaux. Elle se situe au sein de la copropriété des Castors de Servières et des Aygalades et est en relation directe avec les quartiers de la Maurelette, de Bassens et des Tilleuls.

  • la surface : même si l’agriculture urbaine relève souvent de pratiques agricoles sur petites surfaces, elle développe souvent une pluralité d’activités. Dès lors, il convient de distinguer la surface totale du site, la surface bâtie ou constructible et la surface réellement cultivable.

A la ferme Capri, les 8 500 m² de surface totale disponible sont en zone constructible. En 2022, la ferme Capri est composée de 3 600 m² de surface cultivée (incluant les passe-pieds et cheminements), 20 m² de structures pédagogiques, 500 m² de structures logistiques, 20 m² de structures dédiées à l’accueil du public et 150 m² de structures agro-écologiques.

les modalités de mise à disposition : le prix d’achat ou le coût et la pérennité de la location sont des éléments primordiaux dans l’équilibre du modèle économique des projets en agriculture urbaine.

La ferme Capri dispose d’un bail de droit commun avec la Ville de Marseille. Là encore, l’objectif d’ouvrir des voies encore inexplorées prédomine. Première ferme sur un terrain municipal (hors fermes pédagogiques, bénéficiant de délégations de service public), la négociation du contrat d’occupation a été un chemin semé d’embûches de plusieurs mois. Le bail est finalement signé en octobre 2019 pour un horizon de temps de 10 ans renouvelables. Cette situation est rare en agriculture urbaine. En effet, les porteur·se·s de projet sont plutôt habitués aux conventions d’occupation précaire, à horizon de temps incertain. Malgré tout, la Cité de l’agriculture souhaite lever les freins liés à l’accès au foncier : en 2022, elle entame des démarches avec la Ville de Marseille pour doter la ferme d’un bail rural. Ce contrat, plus sécurisant, permet de se lancer dans des projets agro-écologiques sur du long terme, au rythme du vivant.

les caractéristiques techniques et agronomiques : le site est-il raccordé au réseau d’eau verte, d’eau potable ou d’électricité ? Quelle est sa topographie ? Quelles sont les contraintes d’accès pour des machines agricoles, des engins de chantier ou des livraisons ? Quelle est la texture du sol ? L’exposition au vent et au soleil est-elle favorable aux cultures ?

La topographie dessine naturellement deux zones : un espace au sol terriblement tassé et donc dédié à l’accueil du public et à la pédagogie et un second secteur, en contrebas, légèrement abrité du vent, plus propice à la production maraîchère. 

Le terrain n’était pas raccordé en eau ou électricité. En outre, les eaux souterraines du quartier voisin de la ferme sont polluées au chrome VI, substance cancérogène. 

En savoir plus : Hubinet, Nina, « Aux Aygalades, les eaux souterraines sont polluées au chrome depuis 2013 », in Marsactu, 2019, en ligne disponible sur : https://marsactu.fr/aux-aygalades-les-eaux-souterraines-sont-polluees-au-chrome-depuis-2013/ 

Le terrain était recouvert d’une couche de terre glaise difficilement cultivable. Le sol est hétéroclite : constitué tantôt de remblais, tantôt de terre « d’origine » très argileuse. Les conditions initiales sont peu propices aux activités agricoles mais le terrain est prometteur : de lourds travaux et des études sont engagés pour mettre le site en culture.

La pertinence d’un terrain dépend directement de ce qu’on souhaite en faire. Il s’agit d’évaluer les critères définis préalablement selon qu’ils soient nécessaires, ajustables ou optionnels. 

  • Les critères nécessaires sont ceux imposés par le projet souhaité. Il s’agit souvent des critères de surface et des caractéristiques agronomiques. 

Dans le cas de la ferme Capri, l’idée initiale était de faire sortir de terre une ferme urbaine productive. Les critères nécessaires étaient donc une superficie conséquente, de bonnes caractéristiques agronomiques (ensoleillement, anciennes terres agricoles jamais bétonnées, … ) et ergonomiques (accès carrossable, accès en transports en commun.

  • Les critères ajustables dépendent des efforts mobilisables et des marges de manœuvre du projet : le budget, les compétences ou le temps disponible. Ces critères influencent fortement les contours du projet.

Certains critères du site ont dicté quelques ajustements du projet : 

    • La ferme étant située au sein de copropriétés calmes, elle ne peut envisager un modèle économique basé sur des évènements trop bruyants ou finissant tard en soirée.
    • La ferme étant située au cœur de quartiers prioritaires, développer la multifonctionnalité de l’agriculture urbaine a d’autant plus d’importance. Le projet a affirmé sa vocation sociale en proposant de la vente directe au voisinage et à des associations locales et en ouvrant le lieu au public gratuitement les mercredis et en proposant une offre d’ateliers et animations à des tarifs accessibles aux partenaires locaux.
  • Les critères optionnels sont loin d’être indispensables ou d’impliquer de remanier le projet mais ils ajoutent une plus value au projet ou une contrainte mineure à considérer. Ces critères peuvent faire pencher la balance !

A Capri, la vue est dégagée et l’ensoleillement est idéal : la mer, la bonne mère, le Frioul, les tours, le soleil, … tous les éléments sont réunis pour ressentir une atmosphère champêtre au sein de la ville. D’autres critères optionnels ont fait pencher la balance : le propriétaire et gestionnaire du site est la Ville de Marseille. En développant le projet sur un terrain appartenant à une collectivité, la Cité de l’agriculture y a vu le moyen de contribuer au déploiement de l’agriculture urbaine et à la préservation des sols perméables urbains en défrichant les difficultés et en établissant un précédent au sein de la 2ème métropole française.

  • Ces appréciations dépendent intrinsèquement du budget disponible, des techniques envisagées, de la maturité et de la flexibilité du projet. Par exemple, un terrain dégradé est cultivable si un budget de réhabilitation à la hauteur des enjeux a été défini ou s’il est envisageable pour le porteur de projet d’orienter son activité vers des denrées non comestibles. Ainsi, il est possible de classer les critères d’évaluation d’un site selon les impératifs du projet et les ressources mobilisables afin de surmonter la contrainte du site. Inévitablement, ce classement est lié aux ambitions, aux désirs et marges de manœuvre du porteur.se de projet.
Nécessaire Ajustable Optionnel
Localisation Marseille X
15e X
Copropriété X
Accessibilité Piéton OUI

Transport en commun OUI

Carrossable OUI

X
Surface 8500 m2 X
Mise à disposition Ville de Marseille X
Caractéristiques agronomiques Ensoleillement

Texture du sol

Non-pollution du sol

X
Appréciation sensible Vue sur Marseille X

L’amour rend aveugle ! Certains critères ont été sous-estimés et ont engendré de nombreuses complications.

S’il peut paraître évident de considérer l’accès carrossable d’un site, il est important de s’assurer que les camions puissent passer, au niveau du lieu à cultiver mais aussi du quartier dans lequel il se situe. La copropriété de la ferme Capri présente des restrictions d’accès aux véhicules de plus de 2,5 t, multipliant les frais de livraisons ou les démarches administratives pour demander des dérogations temporaires. Cela représente un obstacle majeur, surtout en démarrage d’activité, quand les opérations d’aménagement sont nombreuses et fréquentes : terrassements, installation de container de stockage, approvisionnement en fumier et en compost… 

Un projet agricole nécessite un bon ensoleillement. Ce critère très positif nous a amenés à sous-estimer le besoin d’espace ombragé pour les salarié.es, les bénévoles et les visiteur.ses. La situation devenant de plus en plus intenable à l’approche de l’été, une pergola a été construite pour profiter d’une vue imprenable sur Marseille et sur la vie de la ferme.

A ce stade du développement du projet, il s’agit avant tout de se renseigner sur les personnes susceptibles de bénéficier ou, a contrario, de subir l’implantation d’une activité agricole sur le site. Sans viser l’exhaustivité, il s’agit d’explorer le contexte médiatique et historique et de prendre contact avec les acteur·ice·s incontournables du territoire (associations d’habitant·e·s, centres et médiateur·ice·s sociaux, écoles/collège/lycée). Toutefois, il convient de ne pas se limiter à des rencontres bilatérales : ces étapes exploratoires viennent en préambule d’une concertation plus fine rassemblant l’ensemble des personnes identifiées afin de mettre clairement et collectivement le projet sur le forum public. Des contre-visites ont été organisées avec des experts de l’INRAE et de l’ASTREDHOR pour apporter leur regard sur le potentiel agricole du site. 

On peut s’imaginer qu’une fois le coup de cœur confirmé, il n’y aurait plus qu’à s’installer et à cultiver sa production. Pas du tout, ce n’est que le début du travail administratif : il faudra après cela encore contractualiser un bail et, consolider le financement et/ou du modèle économique du projet, avant d’entreprendre un premier travail des sols.

Vous avez trouvé le terrain de vos rêves, comment établir un contrat avec les propriétaires ?

Trouver des terres vacantes en ville, disponibles et cultivables, n’est pas chose facile. Une fois la perle rare dénichée, encore faut-il convaincre le·la propriétaire de mettre à disposition son espace. Face à ces difficultés, de nombreuses initiatives d’agriculture urbaine, informelles ou militantes, se réapproprient les espaces publics urbains. Certaines collectivités, comme la Ville de Marseille encouragent ces formes d’embellissement de l’espace public tout en souhaitant conseiller et encadrer ces initiatives par des permis verts.

Une autre manière de militer en faveur de l’agriculture urbaine et pour la préservation des terres arables urbaines consiste à officialiser sa présence et ses services pour la ville. Pour ce faire, il est nécessaire de contractualiser avec le·la propriétaire. Tandis que les contrats les plus pérennes permettent de se projeter dans un projet de manière sereine et à long terme, les autres contrats plus temporaires sont l’occasion de se faire la main, de se tester, d’éprouver le concept ou encore de rassurer les parties prenantes.

> A PARTIR DU SITE REPÉRÉ, CONSULTER LE CADASTRE POUR IDENTIFIER LE PROPRIÉTAIRE

Le cadastre est un registre public où figurent les renseignements relatifs aux propriétés foncières. Le plan cadastral est accessible en ligne et permet de retrouver les références cadastrales du site identifié. Muni·e·s de ces renseignements, il s’agit d’accéder aux informations nominatives relatives à la propriété de la parcelle. Ces éléments sont accessibles auprès du service cadastre de la commune ou de l’intercommunalité, de manière gratuite et transparente mais uniquement sur demande.

> LES TYPES DE CONTRATS

Alors que les possibilités juridiques sont nombreuses, les porteur·se·s de projet manquent souvent d’outils, de connaissances et de poids dans les négociations de contrats.

De nombreux modes de mise à disposition d’un terrain existent : convention d’occupation précaire, bail rural (9 an, 18 ans, 25 ans), convention de mise à disposition, bail de petites parcelles, bail de carrière, bail cessible, bail emphytéotique. 

A l’issue d’une revue de littérature, les types de contrats les plus utilisés en agriculture urbaine sont :

Types de contrat Présentation Avantages

pour le·la preneur·se

Points de vigilance pour le preneur
Bail de droit commun Régi par l’article 1714 du Code civil, il peut être utilisé en agriculture urbaine, mais ce n’est pas le plus adapté. 
  • assez connu
  • facile d’utilisation
  • pas adapté à l’agriculture, et encore moins à l’agriculture urbaine
Convention d’occupation précaire Contrat par lequel un·e propriétaire met temporairement un bien dont l’utilisation principale n’est pas agricole ou dont la destination agricole doit être changée à disposition d’un·e preneur·se moyennant une faible rémunération. 
  • faible prix
  • grande liberté des parties pour définir les clauses du contrat
  • précarité 
  • le·la preneur·se n’a pas de droit au renouvellement
Bail rural Contrat par lequel le·la propriétaire met à disposition de l’exploitant des terres ou des bâtiments en contrepartie d’un loyer (= bail à ferme) ou d’un partage de récolte (= bail à métayage).

3 variantes du bail rural sont possibles : 

  • ordinaire (9 ans)
  • à long terme (18 ou 25 ans) 
  • à clauses environnementales.
  • sécurité 
  • indemnités en fin de bail pour les améliorations apportées au bien
  • avantages fiscaux pour le·la bailleur·se (long terme)
  • prix du fermage minoré (environnemental) 
  • prix du fermage supérieur (long terme)
  • résiliation en cas de non-respect des clauses environnementales (environnemental)
Prêt à usage ou commodat Contrat aussi appelé commodat, par lequel une personne livre une chose à une autre personne pour s’en servir, à charge par cette dernière de la rendre après s’en être servi.
  • prêt gratuit et sans contrepartie 
  • conditions librement définies par les parties 
  • précarité 
Bail emphytéotique Contrat de longue durée (entre 18 et 99 ans) qui confère au preneur (= “emphytéote”), un droit réel susceptible de cession, de saisie ou encore d’hypothèque. 
  • faible redevance
  • droits réels sur le bien (hypothèse, sous-location…) 
  • résiliation autorisée uniquement si motif d’intérêt général + indemnisation
  • le·la bailleur·se récupère le bien en l’état avec les constructions et investissements apportés par le·la preneur·se
  • le·la preneur·se n’a pas de droit au renouvellement

6 FICHES PRATIQUES POUR CHOISIR UN BAIL EN AGRICULTURE URBAINE – Association Française de l’Agriculture Urbaine Professionnelle

Les différentes possibilités, droits et réglementations sont peu connues par les maîtrises d’ouvrage, leurs services juridiques et les professionnel·le·s du secteur. Des acteur·ice·s de l’agriculture urbaine française réfléchissent à ces questions : l’AFAUP réfléchit aux clauses idéales d’une convention d’occupation dédiée à l’agriculture urbaine.

L’amour rend aveugle ! Certains critères ont été sous-estimés et ont engendré de nombreuses complications.

S’il peut paraître évident de considérer l’accès carrossable d’un site, il est important de s’assurer que les camions puissent passer, au niveau du lieu à cultiver mais aussi du quartier dans lequel il se situe. La copropriété de la ferme Capri présente des restrictions d’accès aux véhicules de plus de 2,5 t, multipliant les frais de livraisons ou les démarches administratives pour demander des dérogations temporaires. Cela représente un obstacle majeur, surtout en démarrage d’activité, quand les opérations d’aménagement sont nombreuses et fréquentes : terrassements, installation de container de stockage, approvisionnement en fumier et en compost… 

Un projet agricole nécessite un bon ensoleillement. Ce critère très positif nous a amenés à sous-estimer le besoin d’espace ombragé pour les salarié·e·s, les bénévoles et les visiteur·se·s. La situation devenant de plus en plus intenable à l’approche de l’été, une pergola a été construite pour profiter d’une vue imprenable sur Marseille et sur la vie de la ferme.