Une mare à la ferme Capri

 

Durant ce premier semestre 2022, des étudiant.e.s de l’université d’Avignon nous ont aidé.e.s à créer une mare écologique et pédagogique. Cet article revient sur les étapes de création d’une mare, et leurs points de vigilance.

Tout commence l’année dernière, quand leurs prédécesseur.se.s recommandent plusieurs aménagements agro-écologiques pour la ferme Capri, réalisables à différents pas de temps. La mare est un des premiers éléments rapidement déclenchables et présente de nombreux atouts : une zone humide salvatrice lors des longues sécheresses méditerranéennes, constituant ainsi un réservoir de biodiversité majeur, et, enfin, un lieu agréable, esthétique et pédagogique.

En savoir plus : Installer une mare dans son jardin : un acte militant

Étape 1 : Se conformer aux réglementations et normes locales

A Marseille, les règles de l’urbanisme imposent que la mare soit à minimum 2m de la première habitation voisine. Cela peut s’avérer difficile en ville mais les 8500m2 de la ferme Capri nous ont permis d’avoir suffisamment de marge.

Pour + de 15m2 de mare, il faut poser une déclaration préalable. Attention, cette “DP” peut prendre jusqu’à 1 mois de délai.

Le saviez-vous ? 15m2 correspond à une surface minimale pour laquelle une mare commence à être intéressante pour la biodiversité.

Pour une surface dépassant 100m2 et une profondeur de plus de 2m, selon les règles locales d’urbanisme, il peut y avoir une autorisation à demander en mairie.

Enfin, pour une surface dépassant les 1.000m2, il faudra plutôt faire une déclaration auprès du service de l’eau de la DDT. 

En savoir plus : Fiches juridiques – LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) – Agir pour la biodiversité

Dans un contexte agricole, il faut être vigilant à d’éventuelles pollutions telles que les ruissellements de matières azotées entraînant une eutrophisation plus rapide, ou des ruissellements de phytosanitaires nocifs pour l’écosystème de mares. La ferme Capri n’utilise pas de phytosanitaires et raisonne son utilisation d’engrais.

Dans un contexte urbain, il faut être vigilant à la pollution sonore éventuelle que peuvent poser une abondance de batraciens, à mettre en perspective avec le bruit des voitures ou de la vie en ville. 

Étape 2 : Définir l’emplacement de la mare

Le choix de l’emplacement d’une mare est capital pour la pérennisation de la mare et le bon développement de son écosystème.

Tout d’abord, il s’agit d’observer et d’identifier sur le terrain des zones accumulant naturellement l’eau : terre plutôt argileuse et peu drainante, point bas du terrain, etc.

Ensuite, il faut veiller à ce que la mare soit implantée dans un endroit dégagé et ensoleillé. En effet, la lumière et la chaleur sont indispensables pour la vie aquatique : le scénario optimal, c’est 6 heures d’ensoleillement, avec si possible un ombrage aux heures les plus chaudes de la journée. Dans le contexte urbain, il faut aussi éviter d’implanter une mare sous des lumières artificielles (lampadaires) qui dérèglent le cycle de vie naturel de la faune.

Enfin, il faut privilégier l’implantation des mares dans des zones non arborées, afin de limiter le dépôt de feuilles mortes favorisant l’eutrophisation. La dégradation de la matière organique/ débris végétaux dans l’eau consomme de l’oxygène, altérant la qualité de l’eau  et donc la diversité faunistique et floristique. Cela peut aussi engendrer une accumulation de vase ce qui demanderait un entretien plus régulier de la mare.

En complément, d’autres paramètres peuvent entrer en ligne de mire, selon vos priorités, tels que l’aspect paysager, la possibilité de se détendre à proximité, etc. 

A Capri, deux zones d’implantation sont possibles. 

  1. Une première zone qui cumulait déjà de l’eau pluviale en raison d’une texture argileuse, d’une faible profondeur et d’une grande compacité du sol.
  2. Une seconde zone au point bas de la parcelle constituait un élément fort d’un point de vue paysager car elle aurait été placée au carrefour de plusieurs chemins, entre la parcelle pédagogique, les cultures et une des sorties.

Si la zone A semblait être la solution la plus logique, la plus “permacole”, elle impliquait de réduire la surface de la mare, de sacrifier quelques planches de culture et de composer avec les arbres fruitiers déjà plantés en contre-haut. Ainsi, nous avons décidé d’implanter la mare sur la zone B, et de faire de la zone A un espace dédié aux plantes ayant de forts besoins en eau (maïs, … ). 

Et vous, qu’auriez-vous fait à notre place ?

Mare temporaire ou mare en eau ? 

Les mares peuvent souffrir de sécheresse : il est nécessaire de veiller à ce que toutes les plantes restent en eau malgré l’évaporation. Il est possible d’envisager des mares temporaires, typiques de Méditerranée, se remplissant en automne et s’asséchant progressivement avec les chaleurs estivales. Si une mare temporaire asséchée ne paie pas de mine, elle reste pour autant très intéressante pour la biodiversité. Néanmoins, pour des questions paysagères et pédagogiques, l’équipe de la ferme Capri a souhaité que notre première mare soit une mare en eau. Les mares étant d’autant plus écologiques qu’elles sont en réseau, toutes les options restent envisageables.

En savoir plus : Une mare temporaire au fil des saisons | Natura 2000 – Vallée de l’Hérault

https://www.paca.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/1_H3170_cle28d39b.pdf

Bâche plastique ou importation d’argile ? 

L’argile est un matériau naturel auto-réparateur, permettant l’implantation spontanée des végétaux et doté d’une longue longévité tandis que la bâche en EPDM peut se percer, a une durée de vie d’une dizaine d’années et génère des berges glissantes.

Néanmoins, même une terre argileuse ne suffit pas, il faut importer de l’argile bentonite, très fine, qui requiert de stabiliser le sol en amont. Dans le cadre de notre mare de 15m2, pour une surface plane, avec une couche de 30cm il faudrait 4,5 m3 d’argile ce qui représente 4500 kg d’argile. L’argile bentonite peut se trouver au mieux à 0,44 €/kg ce qui représente environ 2000 euros, sans compter le transport. 

Ainsi, nous avons opté pour une bâche en plastique, plus facile et moins coûteuse à mettre en place.

Quelques repères :

Matériaux et outilsPrix
Sol de la mare : bâche EPDMgéotextile Pour 15m² =
24€ /m² 3€ /m² = 405 €
VégétauxCharacée récupérée en milieu naturel: 0€ 5€ / plant environ x 6 variétés x 5 plants = 150 €
Clôture de sécurité :bois grillage végétauxSi chantier participatif + Récup de bois pour barrière  = 0€ Si achat de bois, matériel = 100 €
Récupération eau de pluies : cuve 2m3entre 400 et 800  €
Panneaux explicatifs ou pédagogiqueentre 200 et 800 € (selon la taille, le design, l’entreprise choisie)fournisseur potentiel : Pic Bois
TOTAL2000 €  max 

Étape 4 : Concevoir une mare 

3 points-clés à considérer dans la conception d’une mare : 

  • Privilégier des contours sinueux plutôt que des formes géométriques : Cela crée davantage de linéaire de berge, ce qui présente une plus grande zone d’intérêt pour la faune et la flore.
  • Diversifier les profondeurs pour créer une plus grande diversité de condition de vie et donc être favorable à une plus grande biodiversité 
  • Veiller à créer au moins une berge en pentes douces (< 30°), pour faciliter l’implantation naturelle des plantes, créer un gradient de profondeur diversifiant les habitats, faciliter la sortie de l’eau des animaux et stabiliser les berges.

Étape 5 : Creuser la mare

A la ferme Capri, nous avons opté pour une journée de chantier participatif à 10 bénévoles plutôt qu’une location d’une minipelle (environ 300 €/journée). Si votre budget ou si la configuration de votre site permet l’utilisation d’une mécanisation, n’hésitez pas ! Creuser une mare manuellement peut s’avérer très physique.

Attention à bien anticiper l’usage du volume de terre généré par le creusage de la mare ! Nous en avons profité pour refaçonner le cheminement et s’assurer de laisser 3m de passage pour d’éventuels camionnettes ou autres engins agricoles.

Étape 6 : Mettre en eau

Trois possibilités de mise en eau existent : recourir à de l’eau de ruissellement (attention phytosanitaires ou engrais), collecter de l’eau pluviale ou remplir avec de l’eau de ville.

A Marseille, il ne pleut pas souvent mais de manière intense. Même si la pluviométrie de la région implique certainement un apport d’eau potable, il est pertinent de privilégier un remplissage à l’eau pluviale, autant que possible. Pour ce faire, il y a deux pics de pluie : une au printemps, autour d’avril et une à l’automne, autour de novembre. 

De plus, pour pallier les chaleurs estivales propices au développement de micro-organismes néfastes dans le réseau d’eau, la concentration de chlore dans l’eau de ville double en été pour éviter tout problème de santé publique. Il faut donc privilégier une mise en eau avant l’été.

Ces informations devraient donc vous aiguiller sur le moment idéal pour creuser la mare !

Étape 7 : Favoriser l’accueil de la faune et de la flore

Plantation des plantes aquatiques sur les berges de la mare

Au-delà des critères de conception de la mare évoqués précédemment (forme sinueuse, profondeurs diversifiées, … ), il s’agit également de veiller à une végétalisation correcte de la mare. 

Les plantes aquatiques méditerranéennes auprès de pépinières locales sont rares et doivent être commandées en avance. N’hésitez pas à vous renseigner auprès de Végétal Local, marque à valeur écologique afin de récupérer les plantes aquatiques chez des producteur.ice.s de la région.

A la ferme Capri, nous avons opté pour la récupération de plantes dans un milieu naturel réalisé par des experts naturalistes de GERM’, travaillant sur les mares écologiques. En mobilisant leur connaissance pointue des mares méditerranéennes et des communautés végétales associées, nous avons pu implanter à Capri les végétaux suivant : 

Plantes des berges :

– Eupatoire chanvrine, Eupatorium cannabinum L., 1753

– Salicaire pourpre, Lythrum salicaria L., 1753

– Lycope d’Europe, Lycopus europaeus L., 1753

– Iris des marais, Iris pseudacorus L., 1753

– Laîche pendante, Carex pendula Huds., 1762

– Ache nodiflore, Helosciadium nodiflorum (L.) W.D.J.Koch, 1824

Plantes aquatiques pures :

– Cresson des fontaines, Nasturtium officinale W.T.Aiton, 1812

– Grande prêle, Equisetum telmateia Ehrh., 1783

Ne pas hésiter à récupérer des plantes auprès d’autres mares locales, garants d’une bonne implantation !

Étape 8 : Protections et signalétiques

Cela peut sembler étrange pour bon nombre de personnes de devoir sécuriser une mare… La densité des villes et la fréquence de visiteurs et de visiteuses de tous les âges requièrent une vigilance sur la responsabilité en cas d’accident. 

La responsabilité dépend de la situation, allant de la propriété à l’encadrement d’une animation. Sur un terrain communal, c’est le maire qui verra sa responsabilité engagée ; sur un terrain privé c’est le propriétaire ; lors d’une visite encadrée, c’est l’encadrant qui en devient responsable. Afin de limiter les risques de noyade, la pose de panneaux, de grillages de protection et de sécurisation constante, sont primordiaux. 

S’il ne s’agit pas de mettre des barbelés et des garde-corps de 2m tout autour de la mare, il faut tout de même bien démarquer la zone et bien signaler que les enfants doivent être sous la surveillance de leur accompagnant majeur. Pour une clôture protectrice et agréable d’un point de vue paysager, il est conseillé de recourir à des matériaux naturels, comme des ganivelles de plage ou des branches tressées.

Étape 9 : Entretenir la mare

Une mare s’entretient régulièrement : 

  • En automne, tous les 2 à 3 ans, il s’agit de s’assurer du maintien de l’équilibre écologique et de retirer d’éventuelles plantes immergées envahissantes. Il faudra alors les laisser quelques jours à côté de l’eau pour que les petits invertébrés puissent rejoindre la mare
  • Entre octobre et février,  sur quelques jours, il s’agit de tailler les arbres ombrageant la mare, et d’enlever les feuilles mortes de la mare
  • Tous les 25 ans, la mare nécessite un curage pour éviter que la vase ne devienne trop épaisse. Afin de ne pas trop perturber l’écosystème implanté, il est conseillé d’intervenir en plusieurs fois et sur plusieurs années.

La mare de la ferme Capri a été financée par la Région Sud. Les étudiants ont identifié d’autres partenaires envisageables pour le financement, l’animation ou le suivi de la mare, tels que : L’agence de l’eau Rhône Méditerranéen Corse, L’observatoire régional de l’eau PACA, Graine PACA, Gesper, LPO des Bouches-du-Rhône, La Ville de Marseille, PNR de PACA.

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